Les salariés du médico-social refusent de se laisser liquider
Une réforme qui revient à la charge sur leur convention collective, un secteur peu attractif, des financements à la baisse... Dans le cadre d’un appel national à la grève de la CGT et SUD, les professionnels du secteur refusent de le laisser se déshumaniser.

« On nous demande de tarifer nos actes en fonction de la personne aidée, on déshumanise nos pratiques et on s’attaque à la valeur de nos diplômes, dénonce Didier Zica, responsable CGT sociaux 13, déplorant que dans nos structures, il n’y a déjà plus de titulaires, que des CDD. Mais c’est de professionnel que les accompagnés ont besoin ! » Le militant a donné le ton, ce jeudi, devant une cinquantaine d’éducateurs, accompagnateurs et chefs de service de maisons d’enfants et de retraite, rassemblés devant la préfecture.
Le secteur va mal, très mal. Et c’est loin d’être un scoop. Très critique, le référentiel de la Haute autorité de santé (HAS) sur les Ehpad, publié en 2022, avait mis « l’accent sur le respect des droits fondamentaux des personnes accompagnées ainsi que sur une réflexion éthique et une stratégie de bientraitance dans les pratiques d’accompagnement », rappelait le sociologue Laurent Fraisse. Ainsi révélée, la crise du secteur n’a pas empêché les politiques de tirer encore un peu plus fort sur la corde des budgets alloués, notamment dans la protection de l’enfance. En dépit des alertes répétées des salariés, « le mépris s’organise à travers le blocage des négociations, un projet de convention collective au rabais menaçant nos conquis sociaux, un sous-financement chronique de nos structures », dénonce encore un militant syndical Sud Santé sociaux 13, rappelant que le même jour, se tiennent les Assises de la protection de l’enfance à Paris.
Les mobilisations après Covid avaient abouti à un progrès : ils avaient été intégrés au Ségur de la Santé. Responsable CGT au Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, Valérie Marque explique que « dans le marasme côté professionnels et côté enfants », le combat n’a jamais cessé pour les salaires et les embauches. « Nous avions eu l’information que le Ségur 2 passait en commission le 27 juin. Il a été retiré de la commission. Nous négocions la part que l’État ne voulait plus assumer qu’à moitié. »
Éducatrice dans une structure marseillaise, une jeune femme confie : « Pour les 17 à 21 ans que nous accompagnons vers l’autonomie dans des appartements, le Département ne finance plus que 70 euros par jeune, là où on en avait 170. C’est l’impasse sur les produits d’hygiène, ceinture sur les repas... Comment on fait ? » Déçue du niveau de mobilisation du jour, une militante de SUD santé exige d’autres actions. Dans la maison d’enfants Les matins bleus de Saint-Rémy-de-Provence où elle travaille, « le budget ados est menacé car on a eu 450 000 euros en moins alors qu’on a déjà perdu 15 salariés ». Directeur de l’établissement, Philippe Ribelles le craint : « La protection de l’enfance va finir par disparaître si on ne se lance pas dans des actions plus radicales. » Pour les jeunes majeurs également, le prix de la journée est « divisé par 4 ». Il enjoint les travailleurs sociaux à montrer les dents : « Laissez vos soutanes derrière vous, vos complexes, menacez de laisser tomber. Fermer les structures, c’est le seul moyen d’obliger l’État à réagir. »
Dans cette assemblée générale d’un secteur essentiel mais très abîmé, sur la place Félix-Barret, les travailleurs sociaux décident de continuer la lutte pour leurs salaires et pour des embauches massives. « Avec des actions fortes dès la rentrée. Et d’ici là, il faudra l’adhésion de tous les salariés », plaide Christian Barbe, de la CGT.