[Entretien] Hélène Fredes : « Avec le temps, les LGBTIphobies changent de visage »

Hélène Fredes est codéléguée de SOS Homophobie Languedoc-Roussillon, aux côtés de Léa Xavier. Elle a participé à la fabrication de la 29e édition du rapport annuel de l’association sur les LGBTIphobies, publié le 15 mai dernier et basé sur des témoignages recueillis tout au long de l’année. Elle anime également des interventions en milieu scolaire.

13/06/2025 | 09h44

La Marseillaise : Le rapport de 2025 fait-il état d’une augmentation ou d’une diminution des LGBTIphobies ?

Hélène Fredes : Malheureusement, au fil des rapports annuels, on observe plutôt une constance dans le nombre de témoignages de LGBTIphobies que l’on reçoit. En revanche, à l’intérieur de ces violences qui peuvent prendre différentes formes, on constate une augmentation des agressions physiques par exemple. Aussi, on a pu observer qu’au fil du temps, les LGBTIphobies changent de visage. Ainsi, on va parfois constater pendant quelques années des expressions de haines particulières, qui vont ensuite décliner, avant que d’autres ne prennent le pas. Souvent, ces expressions de haine sont le reflet du débat public : on peut citer par exemple ces dernières années l’augmentation des attaques transphobes. Le travail de veille qui se traduit dans le rapport permet de saisir ces évolutions.

Les récents changements successifs de gouvernement ont-ils eu un impact les LGBTIphobies ?

H.F. : Les législatives de 2024 semblent avoir eu un impact flagrant sur le fait que de plus en plus de personnes se sont senties légitimes de porter des discours discriminants, et notamment des discours LGBTIphobes. Ce qu’on observe, c’est que depuis cette période, cette tendance ne s’est pas arrêtée. Les grandes chaînes médiatiques continuent d’ailleurs parfois de débattre de l’existence même des personnes LGBTI, sans qu’aucune d’entre elles ne soit invitée à en parler. Ces débats servent en réalité d’excuses pour porter des projets plus largement discriminants, notamment sexistes. Il faut bien garder en tête que quand on s’en prend une minorité, ce sont ensuite les droits de tout le monde qui sont discutés et remis en question. Il y a donc un enjeu démocratique à préserver les droits et la dignité des personnes LGBTI.

Dans votre dernier rapport, il y a un chapitre entier dédié à l’intersexphobie. Pourquoi ?

H.F. : Nous trouvons important de faire écho aux luttes intersexes dans nos rapports, même si nous n’avons pas beaucoup de témoignages. Cette faiblesse du nombre de témoignages s’explique avant tout par le fait que ces discriminations particulières concernent souvent des enfants. La France a d’ailleurs été condamnée plusieurs fois par la Commission européenne pour des cas de mutilations génitales à la naissance. En imposant des opérations très lourdes à des enfants pour leur assigner un sexe à la naissance, on leur impose également une violence sans nom et un suivi médical très lourd. Or, on pourrait simplement attendre qu’ils et elles soient en âge de choisir, puisque cela n’affecte pas leur qualité de vie. Les questions d’intersexphobies sont aussi présentes dans le milieu du sport : certaines sportives sont par exemple exclues de compétitions parce qu’elles auraient des taux hormonaux « anormaux ».

Vous notez la montée des idées d’extrême droite en France dans votre rapport. Y a-t-il une menace spécifiquement liée à ces mouvances dans la région?

H.F. : Nous n’avons pas les moyens de quantifier les violences qui viendraient directement de groupes associés à l’extrême droite au niveau régional. En revanche, comme partout en France, cette menace se traduit plutôt dans un climat général. D’ailleurs, le rapport 2025 met en évidence le sentiment de « mal de vivre », une forme d’anxiété qui découle de ce climat hostile. Sur les stands tenus par SOS Homophobie, on reçoit aussi parfois des propos homophobes ou menaçants. Et lors des marches des fiertés, depuis quelques années, le mot d’ordre est toujours le même : nous conseillons à toutes les personnes qui participent de ne pas quitter les manifestations seules, pour ne pas être la cible de groupes hostiles.

Pourquoi est-ce que la marche des fiertés est un rendez-vous aussi important ?

H.F : La marche des fiertés est d’autant plus importante en ce moment que le climat politique national est international est violent. Ce rendez-vous ne se limite pas aux paillettes et aux drapeaux arc-en-ciel, c’est aussi un moment de commémoration des luttes qui ont permis l’accès à certains droits. C’est un rappel que ces droits ne doivent jamais être pris pour acquis et que l’on compte toujours nos morts. Même si la marche est festive, c’est aussi un événement militant, qui sert de rappel pour que nos communautés restent vigilantes. Dans les cortèges, beaucoup de personnes se souviennent que ces marches viennent des émeutes de Stonewall, qui ont eu lieu aux USA en 1969. Elles sont un héritage de cette histoire : des moments où la rue est à nous, où on a le droit d’être qui on est et d’aimer qui on veut.

OSZAR »