Pour une utilité sociale des biens confisqués
Que faire de deux immeubles confisqués dans la fraude à la taxe carbone ? L’hôtel Frégier sera réhabilité pour
du logement locatif intermédiaire. Quant
au Carlton Palace,
sa vente se profile.

par Foncière Logement. ( )
À deux pas de la corniche Kennedy, derrière l’hôtel art-déco Peron, un immeuble fantôme ouvert aux quatre vents laisse voir une forêt d’étais. Cet ensemble de deux bâtiments est à l’abandon depuis au moins quinze ans au 1, rue Félix-Frégier. L’ex-hôtel Frégier doit faire l’objet d’une très lourde réhabilitation, pas pour les touristes, mais pour offrir du logement locatif intermédiaire aux Marseillais.
Ce bien fort mal acquis a été confisqué au promoteur franco-israélien Max Saghroun par jugement définitif dans le dossier de la vaste escroquerie en bande organisée sur la TVA aux quotas carbone (385 millions d’euros au préjudice de l’État entre 2008 et 2009). L’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) a hérité d’une situation périlleuse, au point de devoir mettre en sécurité l’édifice. Elle a passé une convention de coopération avec l’association Foncière Logement en vue d’aménager cinq appartements (deux T4, un T3 et deux T2) dans ces carcasses vides pour les louer à des salariés du secteur privé.
« C’est une première pour nous. Nous n’avons encore rien signé avec l’Agrasc. Il n’y a pas de promesse de vente, il nous faut finaliser nos discussions », tient à préciser Marien Billard, directeur du développement de Foncière Logement, une association membre du groupe Action Logement (anciennement dénommé « 1% logement ») et qui vient de lancer un marché de conception réalisation sur ce qui était l’hôtel Frégier dans l’entre-deux-guerres. « Ce qui est important pour nous, c’est de remettre ces logements dans des conditions de confort avec l’idée d’en rester propriétaire. On créera une copropriété. On pourra vendre un ou deux appartements par la suite pour des parcours ascendants, mais Foncière Logement restera toujours majoritaire dans la copropriété. »
La loi plus répressive dans la lutte contre l’économie souterraine et l’habitat indigne a rendu obligatoire les confiscations dans les dossiers en particulier de soumission de personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indignes. Ces dernières années à Marseille, quantité d’immeubles dégradés et de biens diffus de marchands de sommeil ont ainsi été transférés à l’Agrasc qui doit désormais leur trouver un avenir. S’il est facile de mettre aux enchères des bijoux voire un yacht ou d’affecter un bolide à un service enquêteur, la gestion immobilière devient complexe quand il s’agit d’une cave dont on ne pourra rien faire comme au 18, rue Briffaut où deux mois après le jugement le locataire croupit toujours, ou biens des taudis dans des copropriétés défaillantes. « Pour les occupants titulaires d’un bail, nous sommes tenus au paiement de leur relogement, assume le magistrat Arnaud de Laguiche, chef du département immobilier de l’Agrasc, et en cette matière le relogement est généralement assuré par la collectivité territoriale, l’Agrasc n’ayant aucun parc immobilier à sa disposition puisque les biens confisqués doivent être cédés au plus vite pour abonder le budget général de l’État mais également désintéresser les victimes. » Mais la Ville n’est pas pressée d’intervenir.
pour la « marraine »
Ce même jugement sur la fraude à la taxe carbone a également confisqué le Carlton Palace, un ensemble immobilier situé 395, corniche Kennedy, rénové en 2012 pour transformer des surfaces commerciales en logements de luxe. Derrière ces deux projets immobiliers se tenait Christiane Melgrani, figure du Panier et de l’Opéra condamnée comme organisatrice de cette vaste fraude. Elle avait rencontré le promoteur Max Saghroun en 2010 par l’intermédiaire de l’avocat Arié Goueta, condamné aussi et radié, qui a réalisé les montages juridiques. Difficile ne pas voir de blanchiment avec ces acquisitions immobilières effectuées « via des parts au porteur à une société luxembourgeoise en payant sur des comptes en Israël au moyen d’une dizaine de comptes offshore » basée en Lettonie, au Panama, à Hong Kong, à Gibraltar et en suisse et aux États-Unis. Dans ce schéma frauduleux, le Carlton était valorisé à 23,5 millions d’euros et l’hôtel Frégier à 2,5 millions d’euros. Avant même la cession formelle, Christiane Melgrani avait déposé un permis de construire mais n’avait pas réhabilité l’hôtel Frégier qu’elle avait fait démolir... « si bien que ce projet ne reposait désormais plus que sur une carcasse de bâtiment insalubre », énonce le jugement.
Pour le Carlton Palace, une affectation sociale est-elle possible ? « Nous aimerions le commercialiser rapidement sous la forme d’un appel d’offres », glisse le magistrat de l’Agrasc.