[Chefs-d’œuvre des musées de Marseille] Chez Cantini, la « Toute Petite Figurine » de Giacometti

C’est une invention. Infailliblement minuscule. Une allumette, ou bien une petite libellule.

21/06/2025 | 15h13

Son socle n’est pas énorme. La vignette de cet article, les affiches qu’on aperçoit en cœur de ville sont assez belles, mais plutôt trompeuses. On reviendra la voir, on se fixera uniquement sur un sentiment irréfutable : son attente, le battement de cœur qu’on éprouve quand on la découvre soudainement.

Elle est ombrée. Porteuse d’une sorte de tiare ou bien d’une fine couronne. On la scrute vainement, on ne discerne pas qui elle pourrait être. L’important est d’en parler aussi brièvement que possible. Elle est miraculeusement logée dans son grand cube de verre, à droite en entrant dans la grande salle du rez-de-chaussée de la rue Grignan.

C’est presque une déesse. Cette sentinelle est indestructible. Elle revient de très loin. Elle a échappé à l’acharnement, à l’impatience du sculpteur. Ses sœurs disparues lors d’un ultime coup de canif sont innombrables. Les historiens de l’art, les écrivains racontent qu’il en existe une vingtaine comme elle, des survivantes réalisées entre 1938 et 1944, à Paris ou bien à Genève. Mensurations dérisoires : 1,2 ou bien 2,8 centimètres. Dans sa biographie, Catherine Grenier précise que quand il a quitté la rue Hippolyte Maindron pour la Suisse, la jeune femme dont il était épris, Isabelle Nicholas lui conseilla de creuser un trou pour les cacher dans le sol de l’atelier, et puis d’enfouir celles qui restent dans la poche de son pantalon.

Les photographies d’un compagnon de toujours, Eli Lotar (1905-1969) décrivent la chambre étroite de son hôtel à Genève, les sacs de plâtre, le petit escabeau sur lequel il travaillait. De face ou bien de dos, cheveux blanchis, Giacometti modèle l’argile, élimine, rapetisse, supprime avec son canif, sourit ou bien grimace, fume une cigarette, se détend ou bien s’obsède. Pendant six ans, la réalisation de ces figurines fut sa priorité, son angoisse et sa liberté. Yves Bonnefoy Jacques Dupin et Anne Maurel dans un mince livre des éditions Hippocampe, écrivent qu’il voulait saisir hyper fidèlement la découpe d’une sensation. L’apparition d’une inconnue dans la nuit, la silhouette d’une prostituée, Isabelle ou bien Annette qu’il épousera.

Exposition « Sculpter le vide » rue Grignan, ouvert tous les jours sauf mardi de 9h à 18h, jusqu’au 28 septembre

OSZAR »