[Entretien] « Pas de larmes », le récit fictionnel d’une attache bien réelle à l’Algérie
Caroline Tiné, journaliste pour Marie-Claire et écrivaine, a sorti son nouveau roman, « Pas de larmes », aux éditions Albin-Michel. Elle revient sur son rapport à l’Algérie, pays d’adoption de son père,
et sur sa perception des derniers événements entre l’ancienne colonie et la France.

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Une fiction mêlée à la réalité, un roman comme prétexte pour parler de l’Algérie. Caroline Tiné utilise son imaginaire pour inventer Victoire, une fille de pied-noir qui retourne en Algérie pour disperser les cendres de son père. Une histoire de famille fictionnelle qui se rapproche de la sienne sur certains points.
La Marseillaise : D’où vous est venue l’idée d’écrire « Pas de larmes » ?
Caroline Tiné : Je suis née en Algérie mais j’en suis partie très vite au moment de la guerre. Il y a un sujet qui est vrai dans le livre, j’ai un père, qui n’était pas du tout du côté de l’Algérie française et il avait compris que le sens de l’Histoire, c’était l’indépendance de l’Algérie. Ce père en question, qui est vraiment le mien, a eu un rôle de médiation pendant les négociations de l’indépendance de l’Algérie en 1962, et m’avait demandé d’écrire un livre sur ce qu’il avait fait dans cette période-là. Je me sentais incapable de faire ça. Je pensais que c’était le travail d’un historien. Après sa mort, je me suis dit qu’il fallait que j’aille au bout de ce sujet, parce que ça m’empoisonnait la vie.
Quel regard portez-vous sur la situation actuelle entre la France et l’Algérie ?
C.T. : Je pense que l’Algérie, depuis son indépendance, a quand même été super maltraitée par les gens qui y sont. Ils ont eu besoin de récupérer leur pays, d’avoir les droits de vote, etc. Ils ont récupéré tous les lieux où habitaient les pieds-noirs. C’est normal, ils ont récupéré leur pays. Mais ils sont quand même dirigés par des gens extrêmement corrompus, qui vivent sur les matières premières qu’ils possèdent mais ne donnent rien au peuple. À propos des relations avec la France, il y a du pour et du contre. Maintenant, il n’y a plus que du contre à cause de Macron, qui a préféré favoriser le Maroc dans les histoires du désert. Mais la manière dont le gouvernement algérien traite Boualem Sansal, c’est vraiment insensé. C’est très nationaliste, c’est très peu ouvert.
Restez-vous tout de même optimiste pour la suite ?
C.T. : Je ne sais pas tellement. Je pense que, de toute façon, les dispositions envers la France ne sont pas géniales. Mais, quand même, la langue française et l’histoire de la France sont très privilégiées auprès d’une grande partie de la population. Et ça, je crois que ça reste dans les racines. Kamel Daoud écrit des choses très bien sur le sujet. On lui reproche d’écrire en France, mais il n’a pas envie de se faire foutre en prison en Algérie. Il est très très très très marqué par le passé de l’Algérie, qui fait partie de la culture globale et coexiste avec la culture algérienne. J’espère qu’un jour, ça sera pris en compte comme quelque chose de positif et pas comme quelque chose de juste colonisateur. J’espère vraiment que la culture peut aller au-delà, que ce soit la lecture ou l’art. Je veux dire que la culture peut vraiment être un élément humaniste qui rapproche les peuples et qui règle une partie des dissensions.