[Entretien] Stéphane Peu (PCF) : « Deux solutions : abroger la réforme ou convoquer un référendum »
Stéphane Peu, coprésident
du groupe communiste
à l’Assemblée nationale, appelle le gouvernement à abroger la réforme des retraites après le vote des députés en ce sens.

La Marseillaise : À quoi faut-il s’attendre après le vote de la résolution demandant l’abrogation de la retraite à 64 ans ?
Stéphane Peu : Il y a eu un vote très largement majoritaire pour l’abrogation de cette réforme. La chambre des représentants du peuple a voté à l’unisson de l’opinion du peuple. Le gouvernement doit tenir compte de ce vote qui, je le rappelle, est le vote de l’Assemblée nationale la mieux élue depuis 1981. Il y a deux solutions pour le pouvoir pour tenir compte de ce vote. La première est que le gouvernement abroge la réforme, revient vers les partenaires sociaux et vers le Parlement pour discuter des modalités pour pérenniser le mode de retraite par répartition. Nous, partenaires sociaux et groupes de gauche, avons des propositions à faire sur le financement. La deuxième est que le président de la République saisisse le peuple français par voie de référendum sur cette réforme des retraites, puisqu’il semble vouloir à un moment ou à un autre se saisir de cet outil. Nous allons nous concerter avec l’intersyndicale et les autres groupes du Nouveau front populaire. Si le pouvoir ne tirait pas de conclusion de ce vote, alors nous serions amenés à en tirer les conséquences d’une manière ou d’une autre. Cela pourrait passer par une motion de censure ou éventuellement d’autres formes que nous sommes en train d’examiner, comme des saisines du Conseil d’État ou du Conseil constitutionnel pour faire respecter le vote de l’Assemblée. La partie n’est pas finie, les Français n’ont pas tourné la page, comme le fait croire le président.
Avec quelle intersyndicale comptez-vous travailler alors qu’une partie des syndicats participe toujours au « conclave » tandis que l’autre s’en est retirée dénonçant une mascarade ?
S.P. : Le gouvernement a traité le conclave comme il a traité l’Assemblée avec le 49.3. Il a démarré la discussion en disant « vous avez une page blanche ». Et puis, très vite, il a mis toute une série de totems et de tabous au travers du chemin de cette discussion : c’était un simulacre de démocratie sociale. Il peut y avoir un accord partiel avec quelques syndicats et représentants patronaux. Je n’y crois pas trop, mais c’est une hypothèse possible. On verra si le Premier ministre tient sa promesse de revenir devant le Parlement avec une loi. À ce moment-là, on en discutera, on déposera des amendements et des propositions pour abroger la réforme Borne-Macron et on fera des propositions sur son financement. Si le Premier ministre tient sa promesse, cela passera par un débat législatif. S’il ne la tient pas, ce sera la censure.
Dans l’hémicycle, la droite va plus loin et parle de retraite à 70 ans tandis que son extrême prône la capitalisation. Est-ce à craindre ?
S.P. : Ce qui est frappant, c’est qu’en 2023, les mêmes disaient la main sur le cœur que la mesure d’âge préconisée était pour pérenniser le système par répartition. On savait qu’il n’en était rien, qu’il y avait d’autres moyens de le pérenniser beaucoup plus solides, notamment en revenant sur l’assèchement des recettes via les exonérations de cotisations sociales. Aujourd’hui, les masques tombent. Tous les groupes qui disaient le contraire il y a deux ans affichent désormais leur volonté d’aller plus loin sur les mesures d’âge et d’aller vers la capitalisation et l’extinction du système par répartition.